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Claudius

De tout...

Dernière mise à jour : 4 mai



L’étourdit s’entoure de tout.

Ici de mutisme; là d’élan.  

 

Les matins de fièvre, entre les ombres qui dansent et rebondissent sur les cloisons, émergeant de rambardes à bascule et de landes à répétition, il scrute les éclaircies.

 

Il attend.

 

Que la tendance s’inverse.

Que le soleil fume pour s’abreuver.

Qu’il pleuve pour aller se sécher.

Que l’on frappe à la porte.

 

Silence.

 


« Ailleurs est un mot plus beau que demain. » (1)


Le moment est propice à l’esquive, il le sait.

L’hiver moulu n’en finit plus de disparaître.

Le printemps gratte déjà, une à une, les marches de l’escalier.

 

Le Monde attend.

 

Il n’y a qu’un pas à faire et il est gratuit. Mais le mystère coûte cher et on le fabrique en fibres de confusionite. Ça en prend des tonnes, et du temps et des efforts, et au bout du compte, on n’est pas plus avancé. On continue à hésiter.

 

Ça ne suffit pas de se taire ou de passer son tour pour atteindre l’ataraxie; pour enlever toutes les poignées de toutes les portes; pour admirer tous les oiseaux, écouter toutes les chansons orphelines, lire toutes les romances; emprunter toutes les routes, tous les sentiers; chasser du chemin les commissionnaires et les huissiers du doute et du rien.

 

Il faut remonter, aller en amont.

 

JE ne suis pas. JE précède, hors du moi, cette « fiction que les mécanismes compliqués de mon esprit ne cessent de fabriquer, d’actualiser et de réécrire. Dans mon esprit se trouve un conteur qui explique qui je suis, d’où je suis, où je me dirige et ce qui se passe à cet instant. » (2)

 

L’histoire est à géographie variable et on y fait son nid de plume et de papier.

 

Dehors, c’est l’heure sonore où fleurit la clarté.

 

Dans une ville aux mille charpentes, l’étourdit s’illumine en marchant. Il fait des entrechats, glisse entre les cicatrices des trottoirs-sparadrap.


L’agitation conforte sa lenteur. Au milieu du tohu-bohu, il chérit son anonymat. Il se prépare à accueillir l’inconnu en célébrant l’an un de sa liberté.

 

L’horizon s’est ouvert, un horizon de dunes de temps, de passages suspendus; un espace dédouané, refuge grandeur mature pour sa pensée déconfinée, son imagination désamarrée.

 

Il y est à la fois ici et ailleurs, habitant d’un segment d’éternité en mouvance, lieu déraciné et sans temporalité, hors de tout.

 

Là ne l’attend que lui-même.



(1) Paul Morand

(2) Yuval Noah Harari, 21 leçons pour le XXIe siècle

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